La méthode DOLCE

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Il n’est pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous…, nous avons donc pris place à une table, dans le 8ème arrondissement, sur l’invitation de Patrick, Président de l‘association APTE et associé de Françoise, la fondatrice de l’association. Je découvre alors, avec bonheur, mon interlocutrice : une militante engagée autour de l’autisme, et une musicienne chevronnée. Sa pensée est construite autour du juste système de communication à employer avec les sujets TSA : comment pénétrer le regard fuyant, comment rassurer et calmer l’agitation naissante. Comment surtout, faire en sorte que l’élève – et non le patient – accepte, d’entrer en résonnance avec son instrument, pour ne plus que s’y consacrer. Déterminée, nul doute que Françoise l’a été toute sa vie durant : elle fait partie de ces femmes françaises pionnières sur le chemin de l’autisme, et de celles qui ont su donner un sens à leur vie, tout en donnant un sens à la vie des autres.

Françoise Dorocq est née en 1946, dans le contexte de l’après-guerre. Elle découvre le piano à l’âge de 5 ans. Après des études contraintes en Droit et une vie familiale compliquée, son engouement pour la musique et le piano en particulier la rattrapent. Françoise retrouve sa stabilité en se consacrant à sa passion première, l’enseignement du piano : elle devient professeur en conservatoire, en écoles de musique, elle aussi donne des cours privés. La rencontre avec l’autisme se produit dans les années 1990 : Victoire est une jeune adolescente de 13 ans, la fille de l’une de ses élèves, Françoise accepte de tenter l’expérience, alors que rien ne l’y préparait. Fascination face à la complexité de l’art de la communication ou l’appel d’un destin singulier ? Face à l’autisme, face à la difficulté d’une jeune fille non oralisante, Françoise découvre les effets de sa musique : elle décide alors d’abandonner la méthodologie conventionnelle et conforme aux exigences académiques, pour lui préférer le pas de côté vers un nouveau chemin ; elle va tenter par tout moyen de permettre une communication, en utilisant la production vibratoire et son effets sur les sens. Françoise va réussir avec patience, semaine après semaine et mois après mois, non seulement à communiquer avec son élève, mais à lui apprendre piano. Cette méthode, novatrice et fruit de son expérimentation quotidienne, elle l’appellera « Dolce ».

Françoise décide alors de reprendre les études pour mieux comprendre ce qui lui arrive, et les aléas du parcours sur lequel elle s’est engagée : en marge de sa vie personnelle et professionnelle, elle retourne à l’université pour y étudier la psychologie et les sciences humaines. Elle lit la plupart des ouvrages disponibles qui lui sont accessibles, cherchant une clé de compréhension, réfléchissant sur le sens et la fonction de pédagogie : la méthode DOLCE est née. Enseigner le piano aux personnes autistes, qu’elles soient oralisantes ou non.

« Pour leur salut, il faut par tous moyens, aller chercher nos semblables au fond de ces abîmes intérieurs au fond desquels notre ignorance les maintient par commodités ».

Comme elle le raconte elle-même, dans son ouvrage « Autisme et musique », paru en 2017 aux Editions L’Harmattan, Françoise a choisi de monter un duo harmonieux avec deux inconnues : la musique, et l’autisme. La première est née avec le monde ; elle accompagne l’apparition de l’être humain. Elle est le souffle premier de la création, elle est tout entière en nous. Depuis le premier cri du nouveau-né jusqu’au dernier soupir de l’agonisant, nous baignons à tout instant dans un espace sonore vibratoire. La musique est l’ombre chimérique de l’homme, son langage des anges, sa mélodie des sphères, la façon dont sont tissées la trame et le fil de sa vie, de son âme. Le second, le handicap, est lui défini par le dictionnaire des synonymes : il nous fournit des termes équivalents tels que incapacité, invalidité ou infirmité. Dès la première approche, les mots pèsent. Ils traduisent une opinion communément répandue qui considère le handicap comme incurable et condamne l’individu à l’immobilisme. Tout aussi mystérieux et impalpable que la musique, les apparences du handicap semblent avoir pour fonction première de précipiter l’individu dans la différence voire dans l’exclusion. Et à l’opposée de la musique dont la beauté indomptable est discutée depuis des lustres, les effets du handicap provoquent le rejet dans tous les esprits et, par là, l’interdiction d’accéder à l’amour et à la beauté. Nous parlons ici du regard des autres, de nous autres qui nous voyons normaux. Le handicap est un phénomène partagé ; il est une convention entre celui qui le subit et celui qui l’observe ; le premier est empêché tandis que le second enferme le premier dans l’empêchement.

« Psychanalystes, comportementalistes, la guerre de religion doit cesser. Comme tout conflit idéologique, la querelle intellectuelle ne mène nulle part, elle ne génère que des tensions artificielles dans laquelle le malade n’est qu’un objet, l’essence d’un débat de thérapeutes dont la guérison, inaccessible, n’est plus le but final ».

Françoise Dorocq fait la part des choses, elle distingue les différents types d’autismes : celui du psychiatre Léo KANNER des années 40, le TSA décrit par le DMS-V publié en Mai 2013, enfin le Trouble du Comportement Social (TCS). Il faut aussi apprivoiser l’autisme de haut niveau (de M ASPERGER). Françoise a étudié avec précision les types et sous-type contenu dans le DSM-V, elle étudié aussi le TDAH et les comorbidités liées au TSA. C’est par une approche presque scientifique des neuro-atypies connues (l’altération des qualitative des interactions sociales, de la communication verbale et non verbale, altération de l’imagination, la restriction marquée des intérêts et activités, les conduites répétitives, stéréotypées et ritualisées) qu’elle essaie de s’approprier l’expression des différents troubles pour adapter sa méthode au profil de chacun des enfants qu’elle prend pour élève.

« L’autisme est un spectre, et aucun enfant, adolescent ou adulte ne sera rigoureusement identique à un autre, malgré les difficultés principales communes. L’objectif constant de la démarche de l’intervenant [professeur, NDR] auprès d’une personne autiste sera de structurer pour rassurer. L’autisme n’est qu’une composante de la personnalité : il ne définit jamais la personne en tant que telle. « 

« De longues années de travail auprès des autistes m’ont amenée à tenter la même approche avec d’autres formes de handicap. C’est ainsi que j’ai constaté que la méthode DOLCE pouvait très bien fonctionner avec avec les personnes atteintes de handicaps psychiques ou physiques. Travailler avec un élève trisomique, psychotique ou IMC passe par le même cheminement d’humilité ou d’amour. Tous ont en commun une absence de schéma corporel que la pratique pianistique va aider à se réapproprier. Outre le fait d’apporter du bonheur, la musique donne confiance en soi et crée une relation positive avec l’autre. Se former à l’enseignement du piano avec la méthode DOLCE, c’est être capable de proposer à toute personne en situation de handicap d’accéder à l’harmonie sonore qui induit l’harmonie intérieure ».

Merci à Françoise, pour ce temps de partage, et à Patrick pour son dévouement. CB

*Françoise Dorocq est pianiste et professeur de musique française, fondatrice de l’association APTE (Autisme, Piano et Thérapie Educative). Elle est l’auteur de la méthode DOLCE (Dolce pour les personnes avec troubles autistiques), conçue pour enseigner la pratique instrumentale au plus grand nombre, notamment aux personnes atteintes d’autisme.

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