


Nos héroiques atypiques
Trois familles qui ont connu un parcours du combattant, décident de s’associer car sur le terrain, tout est compliqué !
les Témoignages des fondateurs
Le témoignage de Claire, Présidente, Saint-Mandé (94)
Tout a commencé avec la naissance de notre premier fils. Un bébé tout a fait « normal », très souriant et vif. J’ai cependant été surprise vers l’âge de 3 ans qu’il ne parle pas aussi fluidement que ses copains, mais rien d’autre à signaler. Vers l’âge de 5 ans, j’ai décidé de le faire suivre par un orthophoniste, pour l’aider à mieux articuler. Au bout de quelques séances, la prononciation était corrigée, mais je trouvais que l’expression orale n’était pas adroite, même s’il avait un vocabulaire soutenu.
C’est ensuite à l’école élémentaire que les difficultés ont commencé : notre fils était harcelé en plus d’être stigmatisé et isolé dans la cour. Nécessairement, il devenait agressif en réaction et frappait. Au domicile, certains facteurs déclenchaient des crises incontrôlables. Nous avons alors consulté des psychologues, plusieurs, lesquels disaient que tout allait bien. Jusqu’au jour ou les crises de colère se sont intensifiées, jusqu’à devenir anormales, par leur tonalité de provocation dans des moments où rien ne le justifiait. J’ai décidé alors de consulter un médecin pédopsychiatre, spécialiste des enfants ayant des troubles du développement, le « TND » pour les intimes.
Le pré-diagnostic est tombé très rapidement, avec pour prescription deux examens neuropsychologiques à effectuer : celui du TDAH en premier lieu, celui de l’autisme ensuite. Nous sommes passés en libéral pour accélérer les diagnostics, parce que nous avions la chance d’avoir le budget, les tarifs étant hors de prix ! Une fois les deux bilans effectués et le diagnostic posé, ce fut la course à la prise en charge par de très nombreux spécialistes (ergothérapeute, psychologues, orthoptiste, groupes d’habilités sociales…) et le dépôt du dossier handicap à la MDPH pour obtenir la reconnaissance du handicap et bénéficier de l’aménagement scolaire en classe. La mise en place d’un protocole scolaire (PAP) fut un vrai soulagement, permettant notamment l’usage de l’ordinateur afin de faire face à la dysgraphie présente. Il faut souligner ce temps solitaire pour les familles, les angoisses que les résultats peuvent procurer, l’incompréhension ou la discrétion de l’entourage. Enfin, le diagnostic posé, il faut aller frapper aux portes des spécialistes pour les prises en charge, insuffisants, et faire encore preuve de patience : des listes d’attente de plusieurs mois.
C’est suite à ce parcours que j’ai eu la volonté de créer notre association pour démystifier les TND. Il faut que les familles concernées sachent que nous sommes assez nombreux (jusqu’à 17% des enfants) et que l’expérience des uns est indispensable aux autres : comprendre ce que sont les troubles du neurodéveloppement, demander l’aide des praticiens expérimentés, enfin mettre en place les adaptations nécessaires à l’épanouissement de nos enfants.
Le parcours de Béatrice, Secrétaire Générale, Fréjus (06)
Je suis la maman d’un jeune garçon de 8 ans. Morgan a été à la crèche, nous préférions la collectivité afin de le sociabiliser. Seulement, j’ai été alertée sur son comportement, il avait 2 ans. Morgan refusait de faire toutes activités collectives avec les autres enfants, il préférait courir partout. Les moments de calme étaient rares. Il réveillait les copains à la sieste car il ne dormait pas. A la maison, c’était la même chose. Il s’opposait, et faisait des crises de nerfs durant lesquelles son regard changeait. On sentait qu’il voulait nous faire mal, il nous tapait. Puis est arrivée l’entrée à la maternelle. C’est idiot et je m’en rends compte aujourd’hui, mais je pensais qu’il rentrerait dans ce fameux « moule » et qu’il suivrait les autres. Bien sur, cela n’a pas été le cas. Après 15 jours de classe, la directrice de l’école m’a convoqué et m’a expliqué que c’était très compliqué avec mon garçon. Sa classe était à l’étage et il se jetait dans les escaliers, il poussait les copains aussi. Il tapait les enfants au départ puis très vite, il en est venu à taper les adultes. Il refusait les rassemblements devant le tableau et retournait le coin lecture ou le coin cuisine, quand ce n’était pas le bureau de la maîtresse. La maîtresse était dépassée et du coup, la directrice qui était aussi maîtresse dans cette école, prenait mon fils dans sa classe pour tenter d’apaiser jusqu’à plusieurs fois par jour. Les crises à la maison continuaient.
Alors j’ai pris attache avec le CAMSP (Centre Action Médico Sociale Précoce) de ST Raphael. J’ai régulièrement appelé pour savoir s’ils avaient des désistements car les délais de rdv étaient très longs (plusieurs mois). Finalement, mi-octobre, une place s’est libérée ! J’ai accepté immédiatement et on a pu rencontrer la pédopsychiatre du centre qui a posé une première hypothèse de diagnostic, à savoir un TDAH (Trouble du Déficit de l’Attention avec Hyperactivité). Tout de suite une prise en charge en psychomotricité et psychologie s’est mise en place. Morgan était bien lorsqu’il était seul avec ces professionnels. J’ai expliqué que la plus grande difficulté à ce moment là pour mon garçon était son rapport avec les autres. Isolement, violences… Puis j’ai été entendue et le CAMSP a mis en place des séances de psychomotricité en groupe. Ils étaient deux psychomotriciens et travaillaient toutes les semaines pendant une heure avec mon fils et 3 autres enfants de son âge. Ca l’a rendu plus sociable avec les autres enfants même si les rapports avec l’autre restaient fragiles.
L’assistante sociale du CAMSP, a été d’une aide très précieuse. Elle m’a accompagné dans ma demande à la MDPH pour obtenir une AESH (Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap). Ma demande a été acceptée et en plus, j’ai pu percevoir l’AEH (Allocation Enfant Handicapé). L’AESH est arrivée en Avril de sa petite section. Une aide inespérée pour mon petit garçon. Elle a tout de suite pris les choses en mains et sans jugement, elle s’est occupée de mon garçon avec tant de patience et de compréhension. Elle a sauvé mon fils. Puis mon meilleur ami étant professeur de Karaté, m’a conseillé de mettre mon garçon dans cette discipline pour lui apprendre les règles et a gérer ainsi sa violence, la canaliser. Ce qui a eu un effet bénéfique. Tout ce qui a été mis en place à ce moment là, a été d’un bénéfice énorme pour mon garçon. Doucement, les crises se sont espacées, cette violence en lui il l’a canalisé du mieux qu’il pouvait. J’excusais ses débordements car le TDAH s’est aussi une grande part d’impulsivité. Le suivi au CAMSP s’est arrêté à ses 6 ans.
Nous avons basculé sur un CMP mais là, la prise en charge fut catastrophique. Des listes d’attente pour la psychomotricité. Aucune solution apportée. Le suivi au CMP a pris fin au bout d’un an. Mon fils n’avait plus de suivi, nous étions complètement lâchés, il avait 7 ans. Alors j’ai cherché une psychomotricienne en libérale et encore par chance, une jeune femme venait de s’installer sur Fréjus et elle avait de la place. Mon fils a été pris en charge très rapidement par cette jeune femme, qui a fait un travail merveilleux avec lui avec tellement de bienveillance. Aujourd’hui, elle n’exerce plus sur Fréjus mais elle nous a laissé à sa consœur qui a pris le relai. Là encore, un personne merveilleuse. Mon garçon est aujourd’hui en CE2. Il est suivi en psychomotricité. Il y va tous les 15 jours, 45 min. Son AESH est toujours là, ils sont une équipe qui marche. Morgan n’a aucun retard d’apprentissage mais l’année dernière, la maîtresse nous a alerté, cela devenait très compliqué de se concentrer pour mon garçon, elle craignait que ses apprentissages soient compromis.
Alors, j’ai en urgence constitué un dossier pour le CERTA (Centre de Référence des Troubles d’Apprentissage) à Nice. Avec l’appui d’un courrier alarmant de la maîtresse, j’ai pu obtenir rapidement un rendez vous. Il faut savoir que pour réaliser ce dossier, il faut un certain de nombre de bilans (orthoptiste, orthophoniste, psychologique, psychomotricité). Par chance (ou pas) mon fils a était suivi dans ces différents domaines tout au long de son parcours. Chacun de ces spécialistes nous a reçu très rapidement, permettant de constituer un dossier en seulement trois mois. Lors de notre rendez vous avec l’une des pédopsychiatres de ce centre, l’hypothèse de diagnostic a été confirmé, TDAH. Mon garçon a commencé son traitement en Mai l’année dernière (2023 en classe de CE1) par MEDIKINET puis RITALINE à cause de forts tics faciaux. Nous n’avons aucun regret. Mon fils suit une scolarité classique et il est même très performant. Malheureusement, quelques troubles anxieux et obsessionnels demeurent et sont traités par une psychologue pour tenter de gérer ses émotions.
Nous avons été alerté par l’école là encore. Ensuite, j’ai souhaité en savoir plus sur l’effet du traitement, qu’il prend quotidiennement sans interruption. Alors j’ai fait passer un bilan neuropsychologique à mon garçon et il est apparu que son traitement était d’une efficacité incontestable et et a mis en évidence le fait qu’une tâche visuelle prenait le dessus sur toute tâche auditive. C’est à dire pour schématiser, que s’il commence son exercice et que la maîtresse rajoute une consigne à l’oral, il ne l’entendra pas. Il faut capter son attention avant toutes consignes supplémentaires lorsque l’exercice est commencé. Nous avons pu sensibiliser la maîtresse et l’AESH qui sont très à l’écoute. Suite à ce bilan, mon garçon fait des séances cognitives avec ce neuropsychologues. Il y va tous les 15 jours pendant 45 minutes. Donc une semaine, psychomotricienne et l’autre semaine neuropsychologue. Mon fils bénéficie d’un PAP (Plan d’Accompagnement Personnalisé). Lors des évaluations nationales, il a un livret adapté. Au lieu d’avoir 4 exercices par page comme ses camarades, il n’a qu’un exercice par page, ce qui permet à lui de moins se disperser et une meilleure concentration sur la tâche à accomplir.
Mon fils est un enfant intelligent avec qui je peux parler sans tabou de son trouble. Il est prévenu à chaque fois que je mets en place quelque chose pour lui, pour l’aider. Je l’ai questionné sur sa prise de traitement et il m’a dit qu’il était mieux avec. Il arrive à verbaliser quand il sent que « sa crise » arrive. Il s’agite et demande à ce qu’on stoppe soit notre discussion ou notre activité (jeux, devoirs..). Je le laisse alors « gérer » ce conflit intérieur. Ca peut être à tout moment, sans raison qui me saute aux yeux mais lui va se sentir à ce moment là submerger. Et s’il « explose » et bien j’attends qu’il se calme. Généralement il tape dans les portes, les claques. Il peut se jeter par terre ou encore partir en hurlant dans sa chambre en renversant les chaises au sol. Puis quelques minutes après, il revient et me dit que ça va mieux. Moi je n’ai pas bougé. Il ramasse alors les chaises et remet en place ce qu’il a pu déplacer. Et nous reprenons le cours de notre activité. Ces scènes sont devenues très rares. Mais elles font encore partis de notre quotidien. Son papa de qui je suis séparée, m’a soutenu dans toutes mes démarches. Il fait aussi parti de son quotidien. Mon garçon se bât tous les jours contre un mal qui l’habite. Il ne rentre dans aucun « moule » car il est UNIQUE. Cela peut déranger mais moi, je suis en admiration devant sa résilience. Je l’admire pour cela. Pour tous ces progrès qu’il a fait. Socialement, on ne va pas se mentir, ça reste en dents de scie. Il me dit parfois que ces copains lui disent « qu’il est chiant » et le mettent de côté. Le côté impulsif n’est pas toujours bien compris par ses camarades. Et pourtant il est invité à tous les anniversaires de sa bande de copains. Donc ça reste une grande réussite sociale, malgré cette fragilité. Je ne cesserai jamais de l’accompagner sur le chemin de sa vie.
Il est mon Héroïque Atypique.
Le témoignage de Vincent, Trésorier, Vallauris (06)
Je suis le papa d’un garçon de 11 ans, prénommé Nolhan. Au 6ème mois de grossesse de sa mère, une échographie a révélé une tâches sur l’un des lobes du poumon droit. Nous avons alors pris la décision d’entreprendre une lobectomie, ayant occasionné une hémorragie assez importante. Je reste persuadé que cet incident a marqué mon fils et a pu jouer dans le développement de son comportement neuropsychologique.
Les débuts de la scolarité de Nolhan ont été relativement normaux : la première année de maternelle s’est très bien passée, la deuxième a été plus difficile avec un carnet de
correspondance bien rempli : Nolhan avait tendance à incarner le rôle d’un chef, dans la classe, dans le rang, dans la cour, et à ne pas manifester plus que cela de douleur lors des chutes physiques. Rien ne nous semblait néanmoins « inquiétant ».
En troisième année, les choses ont empiré : le carnet était plein dès le mois de février. Nous avons alors commencé à identifier avec sa mère certains signes de détachement social. Nous avons pris des rendez-vous avec le corps enseignant et certains médecins. Il nous a été recommandé de passer le WISC-V en cabinet de psychothérapie. Nolhan a été diagnostiqué HPI (Haut potentiel intellectuel), mais nous sommes passé à côté de ses difficultés comportementales. Mon fils a ensuite intégré l’école élémentaire, et le CP s’est bien passé. Les deux années suivantes ont été plus difficiles. Son TDAH n’a pas été diagnostiqué de suite par le CMP. Nous avons hésité avec sa mère avant d’envisager un traitement médicamenteux, puis au bout de deux ans nous nous y sommes
résignés, car plus il grandissait, plus la situation devenait difficile à l’école mais aussi et surtout avec les autres membres de la famille. nous lui avons administré de la Ritaline, et les deux
dernières années de primaire se sont très bien passées. L’enseignante était déjà sensibilisée au trouble et a pu gérer son comportement au mieux le permettant de se lever
et d’être actif et en mouvement afin qu’il se calme.
La première prise en charge a été effectuée par le CPM puis celui d’Antibes. J’ai été à l’initiative de toutes les réunions avec la MDPH et l’école, car celles-ci n’étaient pas spontanément proposées, je le regrette car ce fut chronophage pour moi et ma vie de famille. Le CM2 s’est donc bien passé. Nolhan est ensuite entré au collège. Il a du affronter ensuite la séparation de ses parents. A la même époque, j’ai demandé à bénéficier de l’AED (aide à l’éducation à domicile) ; le référent désigné était en relation étroite avec le collège, cela nous a beaucoup aidé. Cependant le début de son année a été chaotique : Nolhan s’est fait exclure trois jours par son professeur d’art plastique, lui ayant jeté un marron à sa tête… Je trouve que mon fils s’est bien adapté à la séparation ; il a beaucoup de ressources. La complexité de mon fils est avant tout sociale : il n’a pas d’amis, il est isolé. Il a passé 3 jours aux apprentis d’Auteuil le temps de son exclusion et a malheureusement rencontré deux jumeaux qui étaient aussi exclus et depuis, ces deux jeunes le harcèlent. Avec l’aide de l’AED, nous avons pu discuter de ce harcèlement, et compris que ces deux jeunes harcèlent d’autres élèves dans le collège. La difficultés des enfants TDAH/TOP est d’être en situation d’opposition permanente, et donc d’aller précisément vers les jeunes qui posent problème. Gérer ces difficultés pour les parents que nous sommes est très fatiguant. La particularité du TOP est l’opposition permanente. En tant que parent, il n’existe pas de mode d’emploi, et pour les parents d’enfants neuro-atypique, c’est encore plus complexe.
J’aimerais aussi que nous abordions le rôle des fratries dans le TDAH, car lorsqu’un enfant est porteur d’un handicap et que l’autre ne l’est pas, cela génère des rapports conflictuels supplémentaires. Beaucoup d’enfants rejettent leur frère ou sœur handicapé, et ce d’autant plus que le dit handicap est « invisible » .Ils ne comprennent pas, nous les parents devons donc en plus de gérer les difficultés, expliquer et faire passer un message d’empathie très difficile à gérer pour nos enfants. Cela reporte un rôle de médiateur supplémentaire sur nos épaules de parents.
Je souhaite que les familles concernées ne restent pas isolées, et nous rejoignent, pour partager et nous entre-aider.
Le handicap invisible,
une double peine
Les handicaps invisibles, ce sont 80% des handicaps chez les individus. C’est à dire que lorsque vous croisez une personne, vous ne pouvez pas savoir si elle est porteuse d’un handicap, d’un trouble, d’une intolérance à certaines situations, certains bruits, mots ou comportements, qui peuvent déclencher en retour une difficulté dans sa réponse, ou sa compréhension de la situation du moment.
L’autisme est un spectre, l’autisme est certainement génétique comme le sont les troubles neurodéveloppementaux, il existe donc des variables assez considérables dans l’expression du handicap. Et liés à ce handicap, il y a les comorbidités, c’est à dire une ou plusieurs autres maladies chroniques ou différences qui coexistent et nécessitent des soins spécifiques.
Parmi elles, je suis en mesure de vous citer l’absence de mélatonine 1 : mes fils ne sécrètent pas ou pas assez de mélatonine, l’hormone du sommeil. Les troubles du sommeil sont arrivés vers l’âge de 10 mois pour mon aîné, et bien plus tardivement pour mon deuxième, avec l’arrivée de l’adolescence. Pour mon aîné, j’ai le souvenir de nuits presque blanches ; il se réveillait en pleine nuit, pleurait beaucoup, j’étais obligée de me lever et il se mettait à jouer dans son parc, en pleine nuit, plusieurs heures d’affilée. Je crois bien avoir tout essayé (sirops, comprimés multiples de type Euphytose, Omega 3, et même du sédatif PC sur recommandation de pharmaciens). Rien ne fonctionnait. Au petit matin après avoir dormi seulement quelques heures, mon fils ne présentait aucun signe de fatigue jusqu’au soir. C’était un bébé très tonique, très présent. Pour mon deuxième fils, l’endormissement le soir a toujours été tardif (22/23 heures) mais lui se réveille tôt : vers 6 heures, parfois 5H. La solution miracle a été trouvée sur les conseils d’une autre pharmacienne qui devant ma fatigue intense m’a un jour proposé d’essayer la Mélatonine en spray. Je précise qu’aucun médecin ne m’en avait parlé. C’est donc vers les dix ans de mon ainé que j’ai commencé à redormir à une heure raisonnable le soir, mais l’hormone du sommeil en spray a malheureusement cessé de fonctionner assez vite, j’ignore s’il peut s’agir d’une accoutumance de l’organisme : nous fonctionnons désormais à coup de Stenylo, sur prescription médicale, chaque soir, autour de 3mg. Cela permet à l’un de trouver le sommeil, et à l’autre de ne pas s’éveiller aux aurores.
Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) est également présent chez beaucoup de TSA. Cela se manifeste sur les enfants par une forte agitation motrice et nervosité, puisqu’ils ne parviennent pas à réguler leurs émotions, à les contenir et les rendre adaptées. C’est à dire que les situations de type anxiogènes peuvent prendre une dimension assez importante : de grandes émotions pour (hypersensibilité, qui se traduit selon les épisodes par des larmes ou des angoisses) ou au contraire un blocage psychologique et le refus de toute activité ou partage. Cela a peut se traduire parfois à renoncer à une sortie, une activité qui était prévue : quand l’émotion les submerge, ils ne peuvent pas faire « comme si de rien n’était » et poursuivre leur journée, c’est impossible émotionnellement parlant. Il est important dans ces situations de pouvoir s’adapter, modifier l’agenda prévu, et si ce n’est pas possible, cela devient alors assez compliqué.
Il faut aussi faire avec les troubles alimentaires : l’un de mes fils en particulier est très touché. Son régime alimentaire est très sélectif, c’est à dire que les repas tournent autour de 5/6 ingrédients tout au plus.
Certaines odeurs lui sont insupportables, celle de la tomate en particulier, pouvant aller jusqu’à l’écœurement. Sa préférence va vers des plats sans trop de goût ni texture. J’ai bien évidement tout essayé en terme de diversification alimentaire, car j’aime cuisiner, en vain. Cela ressemble à de l’anorexie, mais cela n’en est pas. Mon deuxième fils est bien plus diversifié mais il a tout de même ses plats « refuges », c’est à dire qu’une certaine nourriture le réconforte et ce sera donc tous les soirs de la semaine la même chose, à sa demande.
Les TND, ce sont aussi fréquemment une hypersorialité aux odeurs et aux bruits ou textures, ou son contraire : l’hypo sensorialité. Nous avons parlé de la tomate pour mon aîné, ce n’est bien évidemment pas la seule : mon fils déjeune à la cantine scolaire seul à une table au collège, et il a une carte d’accès prioritaire, car il ne supporte pas ou peu le bruit intense et la proximité des autres élèves. Il saute malheureusement fréquemment les repas, si l’odeur du plat l’inconforte. Mon deuxième fils ne supporte pas certains bruits : j’ai été obligée de changer toutes mes assiettes car le son de la fourchette sur la faïence lui était insupportable. L’hyposensorialité par exemple au froid : il n’est pas rare que le sujet puisse se contenter d’un vêtement léger tandis que les températures extérieures sont assez basses.
Pour la régulation des émotions et aider à la concentration, le méthylphénidate est venu à notre secours, sous toutes ses formes (Medikinet, Riranil ou Concerta). Cela procure une stabilisation de l’attention et donc réduit l’agitation mentale. C’est évidement indispensable pour le suivi scolaire, autrement l’enfant est incapable de rester assis, écouter le cours et travailler en même temps : la double consigne pour les TDA/H n’est pas possible. Côté parents, cela donne une course régulière auprès des officines, d’autant que le Concerta est en rupture depuis plusieurs mois en France à la date où j’écris. Un stress de plus donc, car sans traitement l’enfant n’est pas ou peu scolarisable.
L’hyperconcentration ou focus intellectuel : l’intérêt spécifique porté à un sujet ou thématique particulière va prendre une ampleur considérable dans la vie du sujet.
La difficulté dans les relations sociales : c’est sûrement la partie de l’iceberg non immergée la plus notoire. Mais là encore, cela peut être assez discret. Un certain éloignement, un isolement restreint, une communication moins intense et surtout, des réactions non appropriées sur le registre comportemental et oratoire. Le spectre de l’autisme entraine une appréhension du monde différente : comment pourrait-on demander à un enfant qui relève du TSA de nous dire ce qu’il ne peut voir, ou de nous décrire ce qu’il perçoit mais que nous, nous ne pouvons voir ? Nous sommes sur deux terrains d’intelligences croisées, parfois elles se rencontrent, parfois pas, il faut l’accepter.
J’ai volontairement intitulé cette rubrique, le handicap invisible est une double peine.
La première peine, c’est le handicap social en lui-même. Il est erroné de croire que les troubles du neurodéveloppement ne sont pas importants : ils le sont, ils transforment la vie des enfants concernés et des familles qui les font grandir et les accompagnent. Cela demande de part et d’autre une réelle résilience et une adaptabilité quotidienne de chaque instant. Je n’ai pas encore parlé des troubles DYS, mais la dispraxie ne se voit pas nécessairement lorsque l’enfant est à l’extérieur, (sauf en cours, l’ordinateur est lui bien visible sur la table) et pourtant, elle demande aussi des efforts permanents sur tous les registres de la vie quotidienne où la motricité fine est requise (toilette, alimentation, gestion des tâches ect.). C’est un rôle d’aidant, et non de simples parents, auxquelles nos familles sont confrontées, qui n’est absolument pas compris par la société actuelle. Nous devons nous ajuster au niveau de compréhension de nos enfants, au niveau de leur appréhension de l’environnement. C’est un exercice difficile, car cela demande du temps, ce que nous n’avons pas toujours dans des emplois de temps de vie bien chargés.
La résilience est la capacité à naviguer dans les torrents de la vie.
B. Cyrulnik
La double peine à laquelle les parents d’enfant de TND sont confrontés, c’est lorsqu’il s’agit de devoir argumenter, écrire, ou justifier. Démystifier aussi, c’est précisément l’enjeu de notre association. Exposer la chair de notre chair au processus administratif ou au regard sociétal dans le l’espoir d’une bienveillance, d’une compréhension et d’une écoute. Cette double peine liée à l’invisibilité du handicap, nous la portons chaque jour de la vie de notre enfant. Expliquer que non, l’enfant n’est pas mal élevé s’il crie. Que non, l’enfant n’est pas égocentrique s’il refuse de quitter son émission préférée. Que non, l’enfant n’est pas insouciant ou idiot s’il fait tomber des objets ou trébuche. Nous devons lutter contre cette incompréhension et contre le harcèlement, aussi. Car nos enfants sont fréquemment exclus, rejetés voire harcelés par les autres enfants qui « ressentent » le handicap ou la différence, bien plus aisément que leurs parents.
Je passe sous silence le nombre de familles qui ont connu des implosions à huit clos, parce que justement, la peine du handicap est trop difficile, souvent incomprise, par même l’un des deux parents. Séparation, divorces, qui ne font qu’accroître l’instabilité des enfants concernés. Nous espérons une véritable société inclusive, avec des ajustements pour les enfants qui relèvent des TSA/TDAH ou qui sont DYS.
Claire Bessalem
- La mélatonine ou N-acétyl-5-méthoxytryptamine, souvent dénommée hormone du sommeil, est la molécule principale de la glande pinéale surtout connue comme étant l’hormone centrale de régulation des rythmes chronobiologiques en étant synthétisée surtout la nuit. ↩︎