Notre association

les Témoignages des fondateurs

Trois familles, trois amis, du Nord au Sud de la France, qui ont connu le parcours du combattant, décident de s’associer car sur le terrain, tout est compliqué !

Le handicap invisible,

une double peine

Les handicaps invisibles, ce sont 80% des handicaps chez les individus. C’est à dire que lorsque vous croisez une personne, vous ne pouvez pas savoir si elle est porteuse d’un handicap, d’un trouble, d’une intolérance à certaines situations, certains bruits, mots ou comportements, qui peuvent déclencher en retour une difficulté dans sa réponse, ou sa compréhension de la situation du moment.

L’autisme est un spectre, l’autisme est génétique et fait partie des troubles neuro-développementaux, il existe donc des variables assez considérables dans l’expression du handicap. Et liés à ce handicap, il y a les comorbidités, c’est à dire une ou plusieurs autres maladies chroniques ou différences qui coexistent et nécessitent des soins spécifiques.

Parmi elles, je suis en mesure de vous citer l’absence de mélatonine 1 : mes fils ne sécrètent pas ou pas assez de mélatonine, l’hormone du sommeil. Les troubles du sommeil sont arrivés vers l’âge de 10 mois pour mon aîné, et bien plus tardivement pour mon deuxième, avec l’arrivée de l’adolescence. Pour mon aîné, j’ai le souvenir de nuits presque blanches ; il se réveillait en pleine nuit, pleurait beaucoup, j’étais obligée de me lever et il se mettait à jouer dans son parc, en pleine nuit, plusieurs heures d’affilée. Je crois bien avoir tout essayé (sirops, comprimés multiples de type Euphytose, Omega 3, et même du sédatif PC sur recommandation de pharmaciens). Rien ne fonctionnait. Au petit matin après avoir dormi seulement quelques heures, mon fils ne présentait aucun signe de fatigue jusqu’au soir. C’était un bébé très tonique, très présent. Pour mon deuxième fils, l’endormissement le soir a toujours été tardif (22/23 heures) mais lui se réveille tôt : vers 6 heures, parfois 5H. La solution miracle a été trouvée sur les conseils d’une autre pharmacienne qui devant ma fatigue intense m’a un jour proposé d’essayer la Mélatonine en spray. Je précise qu’aucun médecin ne m’en avait parlé. C’est donc vers les dix ans de mon aîné que j’ai commencé à pouvoir me coucher à une heure raisonnable le soir, mais l’hormone du sommeil en spray a malheureusement cessé de fonctionner assez vite, j’ignore s’il peut s’agir d’une accoutumance de l’organisme : nous fonctionnons désormais à coup de Stenylo, sur prescription médicale, chaque soir, autour de 5mg. Cela permet à l’un de trouver le sommeil, et à l’autre de ne pas s’éveiller aux aurores.

Le trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H) est également présent chez beaucoup de TSA. Cela se manifeste sur les enfants par une forte agitation motrice et nervosité, puisqu’ils ne parviennent pas à réguler leurs émotions, à les contenir et les rendre adaptées. C’est à dire que les situations de type anxiogènes peuvent prendre une dimension assez importante : de grandes émotions pour (hypersensibilité, qui se traduit selon les épisodes par des larmes ou des angoisses) ou au contraire un blocage psychologique et le refus de toute activité ou partage. Cela a peut se traduire parfois à renoncer à une sortie, une activité qui était prévue : quand l’émotion les submerge, ils ne peuvent pas faire « comme si de rien n’était » et poursuivre leur journée, c’est impossible émotionnellement parlant. Il est important dans ces situations de pouvoir s’adapter, modifier l’agenda prévu, et si ce n’est pas possible, cela devient alors assez compliqué.

Il faut aussi faire avec les troubles alimentaires : l’un de mes fils en particulier est très touché. Son régime alimentaire est très sélectif, c’est à dire que les repas tournent autour de 5/6 ingrédients tout au plus.
Certaines odeurs lui sont insupportables, celle de la tomate en particulier, pouvant aller jusqu’à l’écœurement. Sa préférence va à des plats sans trop de goût ni texture. J’ai bien évidement tout essayé en terme de diversification alimentaire, car j’aime cuisiner, en vain. Cela ressemble à de l’anorexie, mais cela n’en est pas. Mon deuxième fils est bien plus diversifié mais il a tout de même ses plats « refuges », c’est à dire qu’une certaine nourriture le réconforte et ce sera donc tous les soirs de la semaine la même chose, à sa demande.

Les TND, ce sont aussi fréquemment une hypersorialité aux odeurs et aux bruits ou textures, ou son contraire : l’hypo sensorialité. Nous avons parlé de la tomate pour mon aîné, ce n’est bien évidemment pas la seule : mon fils déjeune à la cantine scolaire seul à une table au collège, et il a une carte d’accès prioritaire, car il ne supporte pas ou peu le bruit intense et la proximité des autres élèves. Il saute malheureusement fréquemment les repas, si l’odeur du plat l’inconforte. Mon deuxième fils ne supporte pas certains bruits : j’ai été obligée de changer toutes mes assiettes car le son de la fourchette sur certaines textures lui était insupportable. L’hyposensorialité par exemple au froid : il n’est pas rare que le sujet puisse se contenter d’un vêtement léger tandis que les températures extérieures sont assez basses.

Pour la régulation des émotions et aider à la concentration, le méthylphénidate est venu à notre secours, sous toutes ses formes (Medikinet, Riranil ou Concerta). Cela procure une stabilisation de l’attention et donc réduit l’agitation mentale. C’est un indispensable pour le suivi scolaire, autrement l’enfant est incapable de rester assis, écouter le cours et travailler en même temps : la double consigne pour les TDA/H ou TSA n’est pas possible. Côté parents, cela donne une course régulière auprès des officines, d’autant que le Concerta est en rupture depuis plusieurs mois en France à la date où j’écris. Un stress de plus donc, car sans traitement l’enfant n’est pas ou peu scolarisable.

L’hyperconcentration ou focus intellectuel : l’intérêt spécifique porté à un sujet ou thématique particulière va prendre une ampleur considérable dans la vie du sujet.

La difficulté dans les relations sociales : c’est sûrement la partie de l’iceberg non immergée la plus notoire. Mais là encore, cela peut être assez discret. Un certain éloignement, un isolement restreint, une communication moins intense et surtout, des réactions non appropriées sur le registre comportemental et oratoire. Le spectre de l’autisme entraine une appréhension du monde différente : comment pourrait-on demander à un enfant qui relève du TSA de nous dire ce qu’il ne peut voir, ou de nous décrire ce qu’il perçoit mais que nous, nous ne pouvons voir ? Nous sommes sur deux terrains d’intelligences croisées, parfois elles se rencontrent, parfois pas, il faut l’accepter.

J’ai volontairement intitulé cette rubrique, le handicap invisible est une double peine.

La première peine, c’est le handicap social en lui-même. Il est erroné de croire que les troubles du neuro-développement ne sont pas importants : ils le sont, ils transforment la vie des enfants concernés et des familles qui les font grandir et les accompagnent. Cela demande de part et d’autre une vraie résilience et une adaptabilité quotidienne de chaque instant. Je n’ai pas encore parlé des troubles DYS, mais la dyspraxie ne se voit pas nécessairement lorsque l’enfant est à l’extérieur, (sauf en cours, l’ordinateur est lui bien visible sur la table) et pourtant, elle demande aussi des efforts permanents sur tous les registres de la vie quotidienne où la motricité fine est requise (toilette, alimentation, gestion des tâches ect.). C’est un rôle d’aidant, et non de simples parents, auxquelles nos familles sont confrontées, et ce rôle est mal reconnu. Nous devons nous ajuster au niveau de compréhension de nos enfants, au niveau de leur appréhension de l’environnement. C’est un exercice difficile, car cela demande du temps, beaucoup de patience, pour les emmener jusqu’à l’autonomie.

La double peine à laquelle les parents d’enfant de TND sont confrontés, c’est lorsqu’il s’agit de devoir argumenter, écrire, ou justifier. Démystifier aussi, c’est précisément l’enjeu de notre association. Cette double peine liée à l’invisibilité du handicap, nous la portons chaque jour de la vie de notre enfant. Expliquer que non, l’enfant n’est pas mal élevé s’il crie. Que non, l’enfant n’est pas égocentrique s’il refuse de quitter son émission préférée. Que non, l’enfant n’est pas insouciant ou idiot s’il fait tomber des objets ou trébuche. Nous devons lutter contre cette incompréhension et contre le harcèlement, aussi. Car nos enfants sont fréquemment exclus, rejetés voire harcelés par les autres enfants qui « ressentent » le handicap ou la différence, bien plus aisément que leurs parents. Nous travaillons, tous chacun de notre côté, nous les parents d’enfants à besoins particuliers, à une véritable société inclusive, qui saura leur permettre de trouver une place, sans rejet. Merci de m’avoir lue.

Claire Bessalem

  1. La mélatonine ou N-acétyl-5-méthoxytryptamine, souvent dénommée hormone du sommeil, est la molécule principale de la glande pinéale surtout connue comme étant l’hormone centrale de régulation des rythmes chronobiologiques en étant synthétisée surtout la nuit. ↩︎
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