Résumé du colloque du 7 mars, organisé par les associations APTE-autisme, CAP Enfants et A4-autisme.
Une journée riche en émotions, avec le rappel par les organisateurs en préambule, du fait que le terme « neuroatypie » a commencé à gagner en reconnaissance en France autour des années 2010 ; avant cette date, la survenue d’un autisme était généralement expliquée comme étant causal et lié à la « mère frigidaire ».
Musique, oxytocine et prématurité : effet biologique et neuroprotection – par le Pr Olivier BAUD, chef de service à l’Hôpital universitaire COCHIN

La prématurité concerne 10% des enfants dans le monde, soit 13 millions. Chaque année, c’est environ 1 million d’enfant qui décèdent, les autres survivent, certains avec un handicap comme l’autisme.
Le fœtus perçoit son environnement comme étant musical (les battements du cœur, les voix des personnes qui s’expriment) : il les perçoit comme des prosodies ou phonèmes, les sons étant filtrés. Le fœtus prématuré se trouve dans un environnement bruyant (le ventilateur = 65 db) et séparé de ses parents ; cette situation agressive se traduit par la génération des hormones du stress, le cortisol ayant un impact considérable sur le cerveau. On peut observer un impact sur le salience network1 largement augmenté sur la population musicienne, la maturation du réseau limbique et émotionnel, la petitesse du volume des amygdales2 . Outre l’environnement sonore bruyant, le relargage de facteurs inflammatoires induit chez les fœtus un effet synergique qui aboutit au 3ème trimestre de la grossesse à un état inflammatoire neuronal : l’activation microgliale3 va faire défaut. Le rôle de la musique qui a été observé conduit à une augmentation certaine de l’ocytocine4 laquelle agit comme agent protecteur pour le cerveau. Il a pu être observé des effets bénéfiques de l’impact de la musique sur le développement des fœtus (augmentation des amygdales, bénéfice sur la connectivité fonctionnelle cérébrale, l’augmentation certaine de l’ocytocine4 laquelle agit comme agent protecteur pour le cerveau ect.) Les effets neurochimiques de la musique, tout comme le peau à peau avec le fœtus sont donc constatés.
La musicothérapie contribue à soigner les troubles neurodéveloppementaux (mais pas qu’eux) : par le Dr Bruno GEPNER, psychiatre, chercheur associé à l’Institut de Neurophysiopathologie, musicien et président de la Fédération Austime Vie Entière
Les vertus curatives de la musique sont connues depuis l’Antiquité : en Egypte, les tribus amérindiennes, la médecine traditionnelle chinoise aussi, des tonalités et des rythmes musicaux sont utilisés à titre de rituels de guérison ou de rééquilibrage de l’énergie corporelle.

En Europe, c’est au Moyen-Age et à la Renaissance que l’église chrétienne popularise le chant des fidèles comme expérience thérapeutique. Les 18 puis 19 ème siècles aux USA et Grande-Bretagne connaissent les premières études de l’impact de la musique sur le système nerveux humain, et l’émergence de la musicothérapie.
La musique permet de former des connexions émotionnelles et mémorielles fortes et durables. Elle modèle le cerveau : les musiciens ont un corps calleux6 hypertrophié et leur faisceau arqué7 est bien plus développé. La musique accroît également la libération d’hormones : endorphines, sérotonine, ocytocine et dopamine. On distingue deux effets dissemblables selon le type de musique : la musique joyeuse suscite des pensées orientées vers le présent et l’avenir, des émotions positives et une attention portée aux autres ; la musique triste provoque au contraire une réflexion sur les éléments passés, elle sollicite l’introspection ainsi que la récupération de la mémoire (Noyau acubens8).
Les conséquences pour les TND :
- pour les troubles DYS : la pratique de la musique, notamment rythmique, peut renforcer le réseau arqué, lequel joue un rôle fondamental dans la lecture : il accroît la cohérence temporelle des zones cérébrales et améliore rapidité et exactitude.
- pour le TDAH : l’écoute et la pratique de rythmes musicaux entraîne le sujet à ajuster les fluctuations spontanées de son attention avec les régularités de son environnement sonore, ce qui accroît son attention visuo-spatiale et diminue son impulsivité.
- pour les TSA : la musique peut influer positivement sur toutes les difficultés et fragilités connues ; par ailleurs, le fonctionnement émotionnel et cognitif particulier peut expliquer leur attirance / compétences particulières : ilots de compétences, sensibilité accrue, attention et perception des détails, oreille absolue, synesthesies, intérêts restreints ou perfectionnisme, capacités mnésiques ect .
Des chercheurs ont étudié et pratiqué depuis les années 1950, instaurant des méthodes spécifiques et thérapeutiques : Paul Nordoff, Clive Robbins, Juliette Alvin, Amélia Oldfield, et des travaux en Norvège. Dans les années 1940, la musicothérapie s’installe et les premières études sur l’autisme infantile sont lancées, les publications sont pourtant inexistantes. L’essor de la musicothérapie prend place dans les années 70-80 ; il faut attendre 1989 pour que les premières recherches sur les enfants TSA apparaissent, puis 2014 pour qu’elles soient publiées (Méta-analyse de Geretsegger et al. Systematic review Cochrane) : sont constatés des effets positifs sur les interactions sociales durant les séances, sur la communication verbale et non verbale, l’initiation de l’action, et la réciprocité émotionnelle. En critères secondaires : on observe une amélioration de l’adaptation sociale, des sentiments de « joie », de la qualité de la relation parent-enfant.
On observe avec certitude :
- une augmentation des compétences sociales (sur sujets de TSA modéré)
- une augmentation des scores de communication sociale et de la connectivité auditivo-fronto-motrice
- une baisse très nette d’alpha-amylase salivaire9
Conclusion : la musicothérapie a des effets sur les symptômes cardinaux du TSA ; la communication non verbale et verbale, les interactions, les intérêts. La musique n’est pas seulement une méthode de CAA, c’est une thérapie globale. Elle mérite d’être recommandée pour les enfants, mais aussi pour les adultes, dans les recommandations de bonnes pratiques de la HAS.
Pour lire les publications du Dr Bruno GEPNER

Stéphane Scotto di Rinaldi
(Doctorant en psychopathologie au CERPPS, Université de Toulouse Jean Jaurès), psychologue clinicien du développement, musicothérapeute et psychothérapeute.
Pour regarder les podcasts de Stéphane Scotto di Rinaldi
Interlude de Priscilla LIETS : élève devenue professeur de piano (formée par Françoise DOROCQ à la méthode DOLCE)

Priscilla LIETS est une jeune femme de 27 ans, TSA, tout d’abord élève puis devenue professeur de piano. Elle enseigne aujourd’hui à des élèves autistes et non autistes et se produit en concerts. Victime de harcèlement durant sa scolarité, elle est aujourd’hui heureuse et fière d’une vie sociale réussie.
Présentation par le Dre Eve Marie QUINTIN, Psychologue, Associate Professor/ agrégée, University Graduate Program Director, Counselling Psychology and School/ Applied Child Psychology William Dawson Scholar Director, Behaviour Autism and Neurodevelopment (BAND) Resaerch Group : Effets positifs de programmes de musique pour les enfants autistes.

Intervention de Claire OPPERT, Violoncelliste et musicothérapeute, auteur de « Le pansement Schubert » : la musique vivante et les enfants autistes : regards et retours d’expériences.
Pendant six ans, la musicienne virtuose joue pour des enfants et des adolescents qui souffrent de troubles du spectre autistique (TSA). La plupart ne parlent pas. Elle s’adapte musicalement aux réactions de joie ou de colère des jeunes, et petit à petit le contact s’établit.


Françoise DOROCQ, Fondatrice et Directrice de l’association APTE

Professeure de piano psychologue et fondatrice de l’association APTE (Autisme, Piano et Thérapie Educative) – auteure de la pédagogie DOLCE, qui permet l’enseignement des pratiques instrumentales, de la danse et du chant aux personnes avec TSA et/ou troubles de l’apprentissages (TDAH, DYS, HP) regroupés sous le terme de TND.
Kevin JAMEY, Doctorant en psychologie au BRAMS, dans le laboratoire de Simone Dalla Bella : Comment un jeu rythmique digital peut soutenir les habilités sensorimotrices et cognitives des enfants autistes ?
Les troubles neurodéveloppementaux rencontrent le plus fréquemment des difficultés de timing : le TDAH pour l’estimation de la durée, le traitement rythmique, le timing moteur, liés au déficit de l’attention. Le TSA pour le timing moteur, la synchronisation motrice, le synchro neuronal atypique, le cervelet, les comportements répétitifs, ce qui affecte le partage de l’attention, le tour de rôle et la communication non verbale. Le laboratoire travaille sur un jeu de synchronisation sensorimotrice adapté aux enfants ayant des troubles neurodéveloppementaux. Initialement développé pour PARKINSON, il améliore le contrôle moteur et la variabilité de la marche, utilise la complexité rythmiques des stimuli pour défier la synchronisation sensorimotrice. Les résultats de la cohorte étudiée sont : une amélioration de la synchronisation nettement corrélée à la durée de l’entrainement, une amélioration des fonctions cognitives.
Pour retrouver le jeu expérimental sur Youtube


Pascal AMOYEL, pianiste virtuose engagé aux côtés d’APTE
Victoire de la Musique en 2005 dans la catégorie « Révélation Soliste Instrumental de l’année », Pascal Amoyel est récompensé en 2010 par un Grand Prix du Disque à Varsovie par la prestigieuse Société Chopin pour son intégrale des Nocturnes de Chopin aux côtés de Martha Argerich et de Nelson Freire, enregistrement qualifié de « miracle que l’on n’osait plus espérer, qu’on écoute bouche bée par tant de beauté » par la revue Classica. Son interprétation des Funérailles de Liszt a également été saluée par la critique comme l’une des références historiques, et ses Harmonies Poétiques et Religieuses de Liszt élues parmi les 5 meilleurs enregistrements de l’année 2007 par la chaîne Arte.

Pour découvrir la bulle musicale
- Le réseau de saillance est une structure cérébrale qui détermine, parmi la multitude de stimuli internes et externes, ceux qui sont signifiants et dignes d’attention ↩︎
- Les amygdales jouent un rôle fondamental dans le décodage des émotions et des stimulus menaçant pour l’organisme. Elles coordonnent également les systèmes nerveux et endocriniens ↩︎
- Le rôle le plus connu des microglies est celui de la défense immunitaire. Elles sont extrêmement mobiles et scannent continuellement les neurones avoisinants grâce à de nombreux prolongements dynamiques comme des « gardiennes du cerveau » afin d’assurer la surveillance de leur intégrité ↩︎
- L’ocytocine est un neuropeptide sécrété par les noyaux paraventriculaire et supraoptique de l’hypothalamus et excrétée par l’hypophyse postérieure (neurohypophyse) qui agit principalement sur les muscles lisses de l’utérus et des glandes mammaires. Elle a aussi un rôle connu chez les êtres humains, notamment en ce qui concerne la confiance, l’empathie, la générosité et la sexualité ↩︎
- L’ocytocine est un neuropeptide sécrété par les noyaux paraventriculaire et supraoptique de l’hypothalamus et excrétée par l’hypophyse postérieure (neurohypophyse) qui agit principalement sur les muscles lisses de l’utérus et des glandes mammaires. Elle a aussi un rôle connu chez les êtres humains, notamment en ce qui concerne la confiance, l’empathie, la générosité et la sexualité ↩︎
- Le corps calleux est une structure cérébrale essentielle qui relie les deux hémisphères du cerveau. Il est composé de matière blanche et permet la communication entre les hémisphères gauche et droit, jouant un rôle crucial dans la perception et le traitement des informations ↩︎
- Le faisceau arqué est un ensemble de fibres axonales dites « associatives » reliant les aires de Broca et de Wernicke. Il constitue la voie dorsale du langage selon le modèle proposé par Hickock et Poeppel . Cette voie du langage intervient dans le processus phonologique, la syntaxe et l’articulation ↩︎
- Noyau Acubens : ensemble de neurones situés à l’intérieur de la zone corticale prosencéphalique ↩︎
- L’ amylase salivaire (également appelée ptyaline) est une enzyme digestive sécrétée par les glandes salivaires au niveau de la bouche. Agent enzymatique essentiel de la salive, elle débute la digestion chimique des glucides, principale source d’énergie chimique pour les cellules ↩︎
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